Le défenseur central ponot pourrait écrire un « guide du routard » tant il s’en est passé, des choses, durant sa carrière, dont il retrace ici les douze étapes. Comme autant de travaux !

Photos DR et Sébastien Ricou #LPF43

Romain Elie est immatriculé dans le Gard. Mais il est né à Beauvais, dans l’Oise. Tout comme Catalina, sa fille de 6 ans. Mais pas comme Tiago, son fils de 8 ans, né dans le Vaucluse, lorsqu’il jouait dans les Bouches-du-Rhône, à Arles, enfin, Arles-Avignon… Vous suivez ?
C’est vrai, pas évident de retracer les tribulations du Picard de 34 ans, tant sa carrière a connu des mouvements. D’ailleurs, l’intéressé, qui comme le bon vin s’améliore avec l’âge, et qui retrouvera vendredi l’une des pelouses sur lesquelles il a sévi (Boulogne-sur-Mer), doit faire appel à sa mémoire pour retracer ses douze étapes. Alors, c’est parti pour les douze travaux de Romain Elie ! Suivez le guide du routard !

La fiche de Romain : né le 6 mars 1985 à Beauvais (60).
Au Puy Foot (N2, National) depuis : 2016.

Avant : Nîmes (L2, 2014-16), Le Pontet (N2, 2014), Levski Sofia (D1 Bulgarie, 2012-13), Arles-Avignon (L2, 2011-12), Charleroi (D1 Belgique, 2010-11), Arles-Avignon (L2, 2009-10), Gueugnon (National, 2008-09), Boulogne (National, Ligue 2, 2006-08), Raon-L’Etape (National, 2005-06), Rouen (Ligue 2, National, U18 Nationaux, 2003-05), Beauvais (1989-2003).

I. AS Beauvais Oise (1989-2003) : « J’ai commencé attaquant mais je reculais au fil des ans ! »
Ma ville ! Et le club où j’ai été formé, dès l’âge de 4 ans. J’en suis parti vers 17 ans. J’ai commencé attaquant et plus les années passaient, plus je reculais ! Je me souviens que Beauvais a failli monter en D1 une année. J’aimais bien le stade mais ça manquait d’engouement comparé à Rouen par exemple. La ville s’est bien améliorée, j’y vais souvent, j’y ai mes beaux-parents. J’y suis retourné une fois, comme adversaire, avec Gueugnon, en National. A la fin de ma carrière, je pense plutôt m’installer à Amiens. Chez l’ennemi… (rires).

II. FC Rouen (2003-2005) : « Le club de cœur ! »
Je venais d’avoir le bac. Mes parents m’ont dit que je pouvais essayer le foot un an, et voir comment ça se passe. C’était le deal. C’est à Rouen que je suis passé défenseur central, grâce au coach des U18 Nationaux, Gilles Amptil, ce qui m’a permis d’intégrer le groupe pro. J’ai même disputé les 5 derniers matchs en D2 ! Mais on est descendu en National. J’ai eu quelques sollicitations mais je voulais faire une saison pleine à ce niveau. J’ai pris de l’expérience même si je n’ai joué qu’en fin de saison. J’adorais la ville, le stade, les supporters, c’était top. J’étais un peu le chouchou avec deux ou trois autres joueurs qui venaient de passer pro. Le FC Rouen, c’est mon club de cœur ! Depuis mon départ, en 2005, je ne suis jamais retourné à Diochon : alors j’ai coché la date du 4 octobre 2019, à Quevilly Rouen, avec Le Puy Foot, même si ce n’est pas le même club, c’est le même stade !

III. US Raon-l’Etape (2005-2006) : « On a fait la meilleure saison de l’histoire du club ! »
Une superbe année (8e) ! On a même joué la montée un moment ! J’ai confirmé sur le terrain et je me suis fait des amis là-bas, on s’entendait bien en dehors. Je suis repassé latéral gauche dans les Vosges. En fin de saison, Nancy m’a contacté mais on ne s’est pas entendu. J’ai signé à Boulogne, un top club de National qui jouait la montée.  

IV. US Boulogne Côte d’Opale (2006-2008) : « Vous pouvez ramener qui vous voulez, c’est moi qui jouerai ! »
Exceptionnel ! Le stade ! Les installations ! Tout ! Cette saison-là, Greg Thil était en feu, je lui ai mis quelques galettes (rires). On est monté en Ligue 2. Mais le coach, Philippe Montanier, m’a pris dans son bureau et m’a dit : « Y’a eu un manque de progression de ta part, je veux prendre un n°1 à ton poste ». J’ai répondu : « Vous ramenez qui vous voulez, c’est moi qui jouerai ! » Ils ont recruté Nicolas Rabuel. J’ai raté les premiers matchs, puis j’ai joué, on était même associé avec « Rabu », qui jouait devant moi à gauche ! La deuxième année, on a attendu pour renouveler mon contrat. On s’est maintenu à la dernière minute du dernier match de la saison… Puis Montanier m’a dit que je n’avais pas le niveau, alors que j’avais joué les deux tiers de la saison. Une grosse désillusion, que je n’ai toujours pas digérée. Mais je pense que c’était plus un problème d’ordre contractuel.

V. FC Gueugnon (2008-2009) : « Hubert Fournier m’aimait bien, lui… »
Hubert Fournier, l’adjoint de Philippe Montanier à Boulogne, que j’avais déjà côtoyé à Rouen, où il avait terminé sa carrière, est parti à Gueugnon et m’a emmené avec lui ! Il m’aimait bien ! Il m’avait déjà fait venir à Boulogne ! Gueugnon venait de descendre de Ligue 2. On avait une bonne équipe sur le papier mais ça n’a pas « matché ». Le stade est magnifique. J’ai malgré tout effectué une grosse saison. Arles-Avignon, club de Ligue 2, m’a contacté, donc je ne suis pas resté.

VI. AC Arles-Avignon (2009-2010) : « Le rêve, puis le cauchemar… Un sketch ! »
Quelle équipe ! Quelle saison incroyable ! On avait un groupe de revanchards, Benjamin Psaume en mode génie, Piocelle extraordinaire, et les autres en super-forme ! On se voyait tout le temps en dehors. Y’a eu une émulation. Je dispute peut-être la meilleure année de ma carrière en Ligue 2, on accède en Ligue 1. Je prolonge de 2 ans en fin de saison. Mais je passe du rêve au cauchemar. Cet été-là, il y a eu le bus de Knysna avec l’équipe de France et le feuilleton rocambolesque Arles-Avignon, avec un président qui arrive, un coach viré qui revient et qui est à nouveau viré, une reprise avec 10 joueurs à l’entraînement, bref, un sketch. Le club a commis l’erreur de ne pas s’appuyer sur le noyau de joueurs qui avait effectué la montée. Et pour ceux qui sont restés, comme moi, c’était compliqué, car on était étiqueté « Estevan », l’homme de la montée, black-listé. Ce fut une catastrophe. J’ai demandé à partir et le dernier jour du mercato, Charleroi est arrivé.

VII. RSC Charleroi (2010-2011) : « On ne t’a jamais parlé de la malédiction qui touche les « back gauche » de l’équipe ?! »
La découverte de la D1 belge. Je joue les six premiers matchs puis je me fais les croisés. Dommage, car ça se passait bien. Là, on m’a dit : « On ne t’a jamais parlé de la malédiction des « back gauche » à Charleroi ??? ». Apparemment, tous les arrières-gauche se faisaient les croisés… Y’a même eu un article là-dessus dans le journal ! Bon, la ville est moche, mais le championnat est top ! On avait un public passionné et un jeu à l’anglaise.

VIII. AC Arles-Avignon (2011-2012) : « Si Romain ne s’entraîne pas, personne ne s’entraîne »
Je retourne à Arles-Avignon, où je refais une saison en Ligue 2. Le président  Marcel Salerno ne comprenait pas pourquoi j’avais eu une augmentation de salaire. C’était dans mon contrat, et il l’avait signé ! Il a voulu renégocier. J’ai fait les matchs de préparation comme titulaire. Puis j’ai eu interdiction de jouer jusqu’à ce que l’on trouve une solution. Nantes, qui s’intéressait à moi, vient me voir le premier match mais je ne joue pas ! J’ai fait tout le mois d’août comme ça, mais après la fin du mercato, j’ai rejoué ! Je me souviens de Bobo Baldé, qui avait vécu la même situation, et qui, un jour, alors que j’avais interdiction de m’entraîner, est allé dans le vestiaire des coachs. Il a dit « Si romain ne s’entraîne pas, personne ne s’entraîne ». C’est beau. Je lui en suis très  reconnaissant. A la fin de la saison, Thierry Lauray, qui avait remplacé Faruk Hadzibegik, m’a dit : « Romain, on va arrêter là. »  

IV. Levski Sofia (2012-2013) : « J’ai été contacté sur facebook pour jouer en D1 en Bulgarie ! »
Un agent m’a envoyé un message sur Facebook. Il m’a dit « J’ai un club qui te veut ». Je lui ai donné les coordonnées de mon agent. C’était le Levski Sofia. Le Marseille de la Bulgarie ! Au départ, je devais y aller pour visiter les installations, mais en fait, c’était pour signer. Il a fallu que je dise à ma femme que je ne rentrais pas… Elle m’a suivi. On fait une super-saison mais à la fin, on perd la finale de la coupe au penalty et pour le titre, lors du dernier match, il fallait gagner : on mène 1-0, on est champion à ce moment-là, mais on encaisse un « csc » à un quart d’heure de la fin et on ne parvient pas à mettre le 2e but (1-1). Et c’est Ludogorets qui est titré à notre place. Quelle déception ! ça a été très dur de sortir du stade… Bye bye la Ligue des champions ! C’est au Levski Sofia que j’ai disputé un match d’Europa League, contre Sarajevo. On gagne 1-0 à l’aller mais je me blesse et je ne joue pas le retour, perdu 3-1. Après cette élimination, les dirigeants nous disent que si l’on ne gagne pas nos six premiers matchs de championnat, nos salaires seront divisés par deux jusqu’à une certaine période … On a gagné les six premiers matchs ! On a eu quelques guet-apens en Bulgarie, notamment une fois, avec notre bus, arrêté par deux voitures, et des supporters qui commençaient à monter dedans et nous attrapaient pas le col.

X. Le Pontet (2014) : « Les dirigeants étaient en train de racheter Nîmes et m’ont demandé de signer là en attendant… »
Comme on n’a pas été champion avec Sofia, on nous a dégagés. J’ai eu une offre de Bakou, en Azerbaïdjan, mais ma femme est tombée enceinte, elle ne m’aurait pas suivi, alors j’ai fait le choix de la famille plutôt que de l’argent. Je me suis retrouvé au chômage pendant 6 mois, mais j’ai vécu la naissance de ma fille, Catalina. Je savais que le club de Nîmes allait être racheté par les dirigeants du Pontet et que mon agent allait en devenir le directeur sportif. Donc il m’a demandé d’attendre, que j’allais signer dans ce club, mais la vente a traîné, alors en attendant, ils m’ont demandé de signer au Pontet.  

XI. Nîmes (2014-2016) : « J’ai pris sévère aux Costières ! »
Quand je jouais à Arles-Avignon, on allait souvent à Nîmes avec ma femme, j’aimais bien la vile, et j’avais joué aux Costières. Je m’étais toujours dit : « Il est bien ce stade, j’aimerais bien y jouer un jour ». C’est arrivé, sauf que, entre ce que j’imaginais et ce qui s’est passé… Ce fut ma plus mauvaise année. Je n’ai pas été performant. J’étais la première recrue mais tous les autres contrats sont passés avant moi, je n’étais même pas sûr d’être qualifié ! J’ai été le dernier contrat à être validé. Ce coup tordu, ça ne m’a pas plu. Y’a eu une cassure après ça, et moi, je marche à l’affect. Et ça n’a pas loupé : on gagne le premier match 3-2 contre Angers mais je fais une boulette ! J’ai mis du temps aussi à retrouver mon niveau. Je fais quand même 17 matchs. La deuxième saison arrive. Je retrouve mon niveau. Je récupère le brassard. J’ai digéré l’atmosphère de Nîmes, parce qu’il fallait être costaud pour la supporter. J’ai pris sévère aux Costières ! Mais au bout d’un mois, je me pète le pectiné, un muscle en-dessous du psoas. A mon retour, le coach José Pasqualetti ne me remet pas dans l’équipe. Bernard Blaquart, qui l’a remplacé, me dit qu’il ne me veut plus, qu’il va restreindre le groupe. Pourtant j’avais retourné l’opinion, chose pas simple à Nîmes ! Ils voulaient que je parte à la trêve, je n’ai pas trouvé de club. Alors je me suis entraîné avec la réserve et joué avec elle en CFA2.

XII. Le Puy (depuis 2016) : « Roland Vieira m’avait déjà envoyé des textos l’année d’avant ! »
Je reçois un texto de Roland Vieira. Et là, je m’aperçois que j’en avais déjà dans mon historique, qu’il m’avait contacté un an plus tôt pour venir au Puy ! Je me suis dit « Tiens, c’est marrant ». Je ne voulais pas passer par les stages UNFP, j’avais 30 ans. Le Puy Foot me proposait un contrat de 3 ans. J’avais Sedan, en National, mais ça ne s’est pas fait, et comme je n’ai pas voulu attendre, j’ai dit OK ! Et là, je retrouve le National ! La dernière fois, c’était avec Gueugnon, en 2008-2009, je jouais encore latéral gauche : à l’époque, quand on passait un joueur, on en avait deux autres encore derrière ! En Ligue 2, y’a quand même plus d’espaces pour jouer. Quand je vois le National 2 de l’an passé et le National cette année, c’est un peu plus physique, mais y’a pas un fossé énorme. En fait, la différence, c’est que ça joue plus juste offensivement.