« Monsieur s’il vous plaît, vous avez demandé l’autorisation pour les photos ? »
Il n’a pas l’air, comme ça, Franck L’Hostis, mais en pleine séance d’entraînement, il est aussi capable de mettre son sérieux, son implication, sa concentration et son professionnalisme de côté, juste le temps d’une petite boutade, avant de replonger, c’est le cas de le dire, dans le travail !

Le grand blond (1,86m et 77kg) a besoin de ça. D’évacuer. De plaisanter. Il n’est pas le genre de gars à se morfondre ou se lamenter sur son sort ou sur la passe difficile de son club. Mais plutôt à positiver, à voir le verre à moitié plein.
Si Francky, comme on l’appelle le plus souvent, a toujours joué gardien, il y a deux raisons à cela.

  1. A Nîmes, sa ville natale, s’il voulait taper le ballon et s’amuser avec la bande de son grand frère, il fallait qu’il aille aux cages.
  2. Et puis son côté casse-cou ne laisse pas de place au doute : « Je plongeais sur les trottoirs avec mes gants de ski ! ».

C’est au club de Manduel, à 10km de Nîmes, qu’il effectue ses débuts en poussins avant de partir, à l’âge de 10 ans, chez les Crocos. Il garde de son passage d’un an au Nîmes Olympique un souvenir mitigé : « Je n’ai pas été sélectionné pour les finales nationales, alors que j’avais joué toute la saison, on m’a fait un drôle de coup. »

L’aventure ne dure qu’un an. Suit alors une autre aventure, plus longue, à Beaucaire : « On avait une bonne génération de jeunes. Je savais que le recruteur de Monaco, René Riefa, me suivait. L’ASM m’a proposé d’effectuer un essai avant que je ne signe stagiaire ! L’année suivante, j’ai intégré le groupe pro ! »
La suite, c’est lui qui la raconte ! Magneto Francky !

Monaco (2008-12) : « Ruffier m’a permis de comprendre le métier »
« J’ai signé deux ans « stagiaire-pro » puis trois ans « pro ». Lors de ma 2e année en pro, en 2011, j’ai été prêté un an à Martigues, en National. Et j’ai résilié la troisième année afin de partir à Amiens, qui descendait de Ligue 2 en National. J’avais 22 ans. Je voulais jouer. Je voyais que c’était bouché à l’ASM et que je n’allais sans doute pas avoir ma chance. J’avais effectué la préparation estivale avec le groupe de Claudio Ranieri.
Monaco, c’est une bonne école de gardiens de but ! J’étais avec Stéphane Ruffier et Yohann Thuram. On constituait le trio le plus jeune de L1. J’ai beaucoup appris là-bas, notamment au contact de Ruffier : il a été super avec moi ! Il m’a permis de comprendre le métier de footballeur. C’est un super-exemple : il ne lâche jamais. J’ai aussi appris au contact des coachs des gardiens, Chistophe Almeras, avec qui je suis encore en contact, et André Amitrano. Et puis je n’oublie pas Guy Lacombe, qui m’a fait signer pro. Je garde des bons souvenirs, dans un club historique, avec des infrastructures très intéressantes, même si la vie à Monaco est un peu éloignée de mes valeurs, de ma façon d’être : ça me faisait du bien de rentrer parfois deux jours à Nîmes ! Tout est différent et démesuré là-bas, où c’est le paraître, le bling bling, mais attention, j’ai apprécié mon passage, surtout au niveau du football. Je logeais à Eze village, entre la moyenne et la haute corniche, c’était magnifique, j’étais tranquille, au calme, pas loin de La Turbie, où on s’entraînait : ça me ressemblait plus ! J’ai gardé des liens avec Thomas Mangani (Angers), qui m’a pris sous son aile, et aussi avec Valère Germain, grâce à Lolo (Dufau). »


Amiens (2012-14) : « Une belle aventure humaine ! »
« J’y ai disputé deux belles saisons complètes, avec la confiance des deux coachs, Francis De Taddeo puis Olivier Echouafni. On avait une belle équipe, mais on n’a pas réussi à monter en Ligue 2. Les joueurs faisaient beaucoup de choses ensemble, en dehors. La deuxième saison, on s’est réveillé trop tard, on n’a perdu qu’un match je crois sur la phase retour. Y’avait Seka et Lybohy derrière, la charnière de Nancy aujourd’hui, Pouye, Marega, Youssouf, bref, une très belle équipe ! On a vécu une belle aventure humaine. Et puis j’ai adoré la ville ! Les gens du Nord sont exceptionnels, accueillants, ce n’est pas une légende ! »

Clermont Foot (2014-17) : « J’ai pris mon mal en patience »
« Ça s’est fait assez vite, avec Helena Costa comme coach, mais elle a jeté l’éponge au bout d’un jour. On ne l’a même pas vu ! Puis Corine Diacre est arrivée. Je fais une bonne « prépa » mais je sens que je ne suis pas son style de gardien. On fait des débuts moyens, je joue, je monte en puissance, je prends le rythme de la Ligue 2, parce que c’est un autre monde tout de même. Puis je me casse le petit doigt en match à Dijon. Je me fais opérer, je reviens en janvier, mais pas très bien, je me manque de rythme, j’ai des douleurs au dos. Je repars n°2, je termine la saison comme ça, avec l’optique de me continuer à me battre. Je refuse un prêt à Tubize en D2 belge, car la coach me dit que si je fais une bonne « prépa », je serai récompensé. Et puis le club recrute un gardien… et là, elle me dit qu’elle ne compte pas sur moi ! Je fais l’année en réserve, avec Jean-Noël Cabezas, quelqu’un de très humain : c’était ma bouffée d’oxygène ! Avec Diacre, en fait, c’est difficile d’exister quand on ne compte pas sur vous. Là où je lui en veux, c’est quand elle m’a retenu à un moment où j’aurais pu partir. J’aurais préféré qu’elle me dise les choses : à 26 ans, j’aurais été capable de l’entendre, de le comprendre, de l’accepter. La troisième année a été plus compliquée. Diacre ne voulait pas que je joue en championnat avec la réserve. J’ai essayé de bouger mais je n’ai rien trouvé de concret. Pourtant, je n’avais pas d’exigence particulière. J’ai pris mon mal en patience. Et puis, moralité, la coach a eu besoin de moi trois mois car Janin s’est cassé le bras. C’était difficile moralement. A Clermont, je suis encore proche de Jonathan Iglesias, le capitaine. »

Le Puy Foot (depuis 2017) : « Content de retrouver un objectif, de l’ambition »
« La fin de mon expérience clermontoise ne m’a jamais donné envie d’arrêter. Jamais ! Il faut être patient. Le foot, c’est ma passion. Je n’allais pas m’arrêter à 27 ans. A la fin de mon contrat à Clermont, je me suis entretenu avec Chamalières car Corinne Diacre ne voulait pas que je m’entraîne avec la réserve. J’étais au chômage. J’ai effectué le stage avec l’UNFP, puis Roland (Vieira) m’a appelé ! J’avais eu de bons échos du Puy Foot, un club en progression. J’étais vraiment content de venir, de retrouver un groupe, un objectif, un projet, de l’ambition. De remettre le pied à l’étrier. J’ai repris du plaisir dans un club qui me fait confiance, même si lors de ma première saison (2017-18), les résultats n’étaient pas top. »

La Ligue 2 : « J’y ai goûté, mais pas suffisamment ! »
« Je n’ai pas de regret ! A Clermont, je donnais tout, c’est juste que la coach préférait quelqu’un d’autre. Je trouvais que c’était injuste mais je me suis battu pour continuer à exercer mon métier, prendre du plaisir. Je n’ai jamais triché. Si j’avais un regret, en fait, c’est plutôt de ne pas être monté en L2 avec Amiens car on avait l’équipe pour. La Ligue 2 ? J’y ai goûté, mais pas suffisamment. Je pense que j’ai les capacités d’y jouer mais la vie est ainsi, je ne me pose pas 10 000 questions, je donne tout, même encore aujourd’hui. »

La saison actuelle : « Il faut se mettre en mode soldats »
« Elle ne se déroule pas comme on le voudrait ! J’ai vécu ça avec Martigues. Dans ces cas-là, il ne faut pas réfléchir. On a largement les capacités, l’effectif et les moyens de se maintenir en National. Il faut se mettre en mode « soldats » et faire des matchs complets, sans erreur, sans oubli de la part de chacun. Il faut qu’on soit un groupe soudé et réussir à créer une dynamique, faire une série, afin de basculer du bon côté, d’inverser la tendance. Il ne faut rien lâcher et faire le dos rond. Il reste quasiment toute la phase retour. Si on n’y croit pas, on pose le tablier et on rentre à la maison, mais pour moi, c’est juste impossible. C’est une saison où ça tourne moins mais j’y crois à 2 000 % ».

La défense : « Si on gagne 3-2, ça me va ! »
« Ça ne m’atteint pas au quotidien de figurer dans les moins bonnes défenses. Je ne regarde pas trop les « stats ». Déjà, on est plus solide qu’en début de saison. Des erreurs, même individuelles, on en fait tous, on en fera tous, mais je ne peux pas m’arrêter à ça. Il faut rester soudé. Le prochain qui fera une boulette, ce sera peut-être moi, et je serai le plus malheureux. Ce qui m’intéresse, c’est de gagner, même 3-2 tous les matchs ! Je n’ai jamais raisonné de manière égoïste, même si un clean-sheet, 1-0, c’est bien ! Bien sûr, si on prend moins de but, on a plus de chance de faire un nul ou de gagner. Je veux rendre la copie la plus propre possible ; ce qui m’obsède, c’est de gagner les matchs, de gagner les jeux à l’entraînement. Ça me fait chier de prendre des buts, je n’aime pas ça. Si je suis performant et qu’on perd 2-0, ça ne m’intéresse pas. Je veux être bon pour que l’on puisse gagner. »

Son caractère : « Avec moi, c’est tout le temps la gagne ! »
« J’extériorise beaucoup sur le terrain. J’ai besoin que les mecs devant moi me sentent, même les jours où je suis moins bien, où j’ai fait une boulette : ça, je l’ai appris avec Stéphane Ruffier. Lui, il dégageait quelque chose, physiquement déjà. Avec Stéphane, interdiction de perdre un jeu, de prendre un but ! Il m’a inculqué ça, et les coachs que j’ai eus au centre à Monaco aussi. Avec moi, c’est tout le temps la gagne ! Si je reste dans ma cage et que je ne communique pas, que je ne harangue pas les troupes, j’ai l’impression de ne pas remplir mon rôle à 100 %. Je veux gagner. »

Franck L’Hostis, du tac au tac

  • Tes occupations en dehors du foot ?

La cuisine, surtout italienne, comme ma compagne, Valentina, est italienne ! Je fais de très bonnes pâtes carbonara et des « milanaises » excellentes, un peu revenues au four avec de la mozarella par-dessus ! J’aime aussi passer du temps avec Valentina et boire un café avec Toufik (Ouadoudi) ! Et le ciné.

  • Les aliments que tu n’aimes pas ?

Je n’aime pas les andouillettes de Troyes, ça ne va pas faire plaisir à Lolo (Dufau), ni les aubergines, sauf dans la ratatouille !

  • Le rêve qui tu aimerais réaliser ?

Je ne suis pas trop rêveur, plutôt réaliste, lucide. Fonder une famille et me réaliser en tant qu’homme sur le plan professionnel et familial, que je sois en osmose avec mes idées.

  • Ton après football, tu le vois comment ?

Sereinement. Déjà je commence à y penser tranquillement, je pense encore avoir quelques années à jouer, mais j’aurai toujours un pied dans le foot, même si ce n’est pas mon gagne-pain.

  • Un animal ?

Le chien pour le côté joueur, le chat pour le côté autonome !

  • Musique ?

Je suis un fou de funk depuis que je suis ado ! Billy Ocean et la musique du film « A la poursuite du diamant vert », ça me fait dresser les poils ! Et aussi le groupe Surface, Gregory Abbott, Karyn White, j’écoute tout le temps ! C’est la base pour moi !
Ecoutez Billy Ocean :
https://www.youtube.com/watch?v=VOiZC020nl0
https://www.youtube.com/watch?v=-n3sUWR4FV4

  • Un film ?

Les séries plutôt.

  • Le joueur le plus fort avec lequel tu as joué ?

Ruffier. Et aussi Nenê : à Monaco, je m’y collais sur ses coups francs, il m’en a fait voir de toutes les couleurs, quel pied gauche incroyable !

  • Le coach que tu as perdu de vue et que tu aimerais revoir ?

Dédé Amitrano mais ça ne tient qu’à moi de lui envoyer un texto ! Et Francis De Taddeo, qui m’a apporté beaucoup de confiance et a compté pour moi. Son fils m’a mis un but à l’aller à Massot avec Créteil (rires !).

  • Une ville, un pays ?

Bali, c’est incroyable ! Paris, Milan, Londres.

  • Un club, un stade ?

Manchester United, j’étais un fan, et mon idole, Schmeichel, m’a fait aimer le poste de gardien, et Old Trafford du coup ! J’aimerais bien aller à San Siro aussi !

  • Un surnom ?

Francky. Et aussi « Déloss » ! Ça c’était à Monaco, j’avais un coéquipier qui, devant chaque nom de famille, rajoutait « Dé », et ça faisait Dé-L’Hostis ; là, Fred Bulot, un autre coéquipier, l’a transformé en « Déloss » !

  • Meilleur souvenir sportif ?

J’en ai plusieurs ! Mes sélections en équipe de France U19 et U21 . J’ai été élu meilleur gardien du tournoi Espoirs de Toulon, c’était un moment fort, car j’avais toute ma famille dans les tribunes, on avait perdu en finale contre la Colombie aux penalties. La signature de mon premier contrat pro à Monaco, à 18 ans, et bien sûr l’accession en National en mai dernier, avec Le Puy ! Une saison de fou, avec un scénario incroyable !

  • Pire souvenir ?

A un an d’intervalle, je me suis cassé le petit doigt à Clermont. La première fois, ça m’a couté ma place, la deuxième fois, j’étais déjà à la cave, et là, j’ai eu l’impression de ne plus exister à travers mon métier : Valentina a été importante à ce moment-là.

  • Plus bel arrêt  ?

En demi-finale du tournoi Espoirs de Toulon, contre l’Italie, je fais une sortie à 2000 à l’heure sur Paloschi (ex-Milan, Parme, Genoa, Vérone, aujourd’hui à Spal) et la saison passée, à Colomiers, à 0-0, dans un match important, je la sors du bout des gants et on gagne 1-0 à la fin ! Ce arrêt a beaucoup de valeur !

  • Ton geste technique préféré ?

J’aime bien me passer le ballon derrière ma jambe d’appui sur une passe en retrait, c’est une petite feinte, je ne me mets pas trop en danger, ni l’équipe d’ailleurs, c’est Hilal (Bouguerra) qui m’a fait remarquer ça !

  • Ton meilleur match ?

Même après un bon match, je trouve toujours quelque chose, un 6 mètres dévissé, une sortie ou une relance plus ou moins bien assurée ! J’ai toujours des trucs à améliorer. A Créteil, au début du mois, je n’ai pas été trop sollicité mais à un moment, quand on a besoin de moi, je suis présent, et ça, ça m’intéresse.

  • Ton pire match ?

Après un mauvais match, je ne me mets pas la tête dedans, j’analyse mes matchs, qu’ils soient bons ou pas. Je suis assez critique envers moi.

  • Le joueur le plus connu de ton répertoire ?

Valère Germain, grâce à Lolo (Dufau). Thomas Mangani (Angers).

  • Une appli ?

« Foot-national » quand j’étais au chômage ! Sinon Instagram ou Facebook, mais je ne suis pas trop sur mon téléphone !

  • Tes qualités dans la vie ?

Je suis humain, j’essaie d’être gentil avec tout le monde : tu amènes ce que tu dégages. Agréable. Il faut arriver avec le sourire !

  • Tes défauts ?

Parfois, je me mets en mode « envie de rien faire » chez moi, ça rend fou Valentina ! J’essaie toujours d’arrondir les angles, de trouver des excuses aux gens, de comprendre la réaction des gens, je trouve que c’est plus un défaut qu’une qualité.

  • Un dicton ?

Dédé Amitrano me disait toujours à Monaco : « Mauvais outil, mauvais ouvrier » !  En gros, il ne faut pas se chercher des excuses, je n’aime pas ça !